Devoir de vigilance : le contrôle judiciaire des pratiques RSE

La condamnation du groupe La Poste par la cour d’appel de Paris, pour des manquements à son devoir de vigilance, précise la jurisprudence en matière de responsabilité sociale et environnementale des entreprises.

Cette chronique partenaire est proposée par Charlotte Michon, avocate et fondatrice du cabinet Michon Avocats. 

Alors que les législations européennes de durabilité sont revues à la baisse (cf les projets de directives « omnibus »), les juges français forgent petit à petit une jurisprudence sur l’interprétation du devoir de vigilance, comme le montre le récent arrêt de la cour d’appel de Paris, le 17 juin dernier, dans l’affaire dite La Poste. 

Cette loi de 2017 demande aux grandes entreprises d’identifier et de prévenir les risques d’impacts négatifs graves sur les droits humains et l’environnement causés par leurs activités et celles de certaines relations commerciales.

L’affaire avait été portée devant les juges par le syndicat SUD PTT, qui reprochait à La Poste de ne pas avoir inclus dans le plan de vigilance les risques spécifiques liés aux conditions de travail d’employés de sous-traitants.

Des juges dédiés

C’était un arrêt attendu, le premier sur le fond du devoir de vigilance de la récente chambre spécialisée sur le devoir de vigilance et les contentieux émergents de la cour d’appel de Paris.

La cour d’appel a confirmé en substance les injonctions de modification du plan de vigilance prononcées par la chambre sociale du tribunal judiciaire de Paris, laissant ainsi la porte ouverte à d’autres actions sur le fondement du devoir de vigilance.  

Notons aussi que le tribunal judiciaire de Paris s’est, entre-temps, aussi doté d’une chambre spécialisée « de la régulation sociale, économique et environnementale » pour les contentieux vigilance mais aussi greenwashing, reconnaissant leur technicité et leur probable multiplication.  

Démontrer la priorisation des risques RSE

Dans cette affaire, a été rappelé l’importance de la « cartographie des risques », dont les résultats déterminent l’ensemble de l’exercice de vigilance. La nécessité de ne prioriser et donc traiter que les seules atteintes « graves » sur les personnes et à l’environnement a aussi été soulignée.

Cette notion de gravité est explicite dans la loi française et dans des Principes de soft law et de la directive européenne sur le devoir de vigilance (CS3D) rappelés et utilisés pour l’interprétation de la loi.

Si les entreprises ne peuvent donc se « concentrer » que sur leurs impacts les plus graves, les juges entendent apporter un regard circonstancié sur comment elles les ont identifiés. Ils attendent des informations sur les facteurs de risques, les spécificités des activités ou des relations commerciales qui ont amené l’entreprise à les considérer comme graves et donc les prioriser.

Ce sont ces éléments qui leur permettront d’évaluer l’adaptation et la corrélation des mesures adoptées par l’entreprise au titre du devoir de vigilance. En revanche, les juges ont pour le moment  refuser de se prononcer sur la teneur des mesures précises à adopter.    

Concertation sur l’alerte

Une autre question portait sur la notion de concertation des organisations syndicales représentatives sur l’établissement du mécanisme d’alerte, exigence explicite de la loi.

Les juges d’appel confirment que l’élaboration en « concertation » suppose une transmission d’information et un échange de points de vue préalable à l’établissement du mécanisme, et non une simple consultation sur un projet défini.

De plus,  l’entreprise doit démontrer la recherche de cette concertation. 

Une jurisprudence encore à construire

Si des précisions sont apportées notamment sur la méthodologie de cartographie des risques, il reste encore beaucoup de questions sur cette obligation de vigilance.

Les juges spécialisés auront l’occasion de les aborder avec les 10 affaires en cours, portant majoritairement sur les stratégies environnementales des entreprises ou des projets ou activités de leurs filiales.

À lire aussi : Devoir de vigilance, avec qui faut-il dialoguer ?

Articles sur le même thème

Retour en haut

Vous n’avez pas le temps de suivre toutes les infos de la semaine ? Chaque jeudi, nous vous partageons notre newsletter, pour tout comprendre de l’actualité grâce au droit.