Le succès de la fashion week, qui s’est achevée fin juin à Paris, cache un secteur en grande difficulté où les cessions et reprises de marques sont légion.
Cette chronique partenaire est proposée par Corinne Legrand, co-fondateur de TradeYourMark.
Il peut être difficile de trouver un repreneur pour une société en difficulté financière.
C’est pourquoi il est de plus en plus fréquent d’assister à des cessions d’actifs isolés lors de procédures de redressement judiciaire ou de liquidation.
Les marques ou de manière plus générale les droits de propriété intellectuelle constituent des actifs immatériels, qui présentent dans ce cadre un intérêt particulier.
Ils doivent donc être correctement identifiés et valorisés.
Pourquoi acheter une marque ?
D’un point de vue marketing, l’intérêt d’acheter une marque ayant connu une certaine notoriété est assez évident. Cela permet de capitaliser sur l’image et l’histoire de la marque et de capter immédiatement une clientèle en jouant sur les souvenirs et les émotions.
La relance peut être l’occasion de moderniser l’image de la marque et de l’adapter aux tendances du marché (Bio, Fair trade, Made in France etc).
Acheter une marque existante plutôt que d’en créer une présente également un intérêt au plan comptable. Les marques créées en interne ne peuvent pas être inscrites à l’actif du bilan.
Dès lors, les dépenses liées à la création de la marque (frais de recherche, frais de dépôt…) ne peuvent pas être immobilisées et doivent être déduites immédiatement en charges.
À l’inverse, les marques qu’une entreprise achète auprès d’un tiers constituent un élément de l’actif incorporel immobilisé et peuvent être valorisées au bilan.
Les différentes modalités de cession
Lorsqu’apparaissent les premières difficultés financières, les sociétés peuvent faire un audit de leur portefeuille de marques et le rationaliser.
Elles peuvent décider de céder celles qui ne sont pas stratégiques. Il s’agit alors de trouver un acheteur potentiel avec qui une négociation de gré à gré sera engagée.
Lorsqu’une procédure de redressement ou de liquidation est engagée, la vente des marques peut être faite de deux manières : appel d’offre ou vente aux enchères judiciaire.
Pour un appel d’offres, le liquidateur définit les lots à vendre et les modalités de soumission des dossiers. Il étudie les dossiers et sélectionne l’acheteur.
Ainsi, les actifs de la marque de bijoux Moa ont été cédés en deux lots en juin 2023. Un des lots comprenait les stocks, les contrats de franchise et les actifs immobiliers. L’autre était constitué par la marque.
Les deux lots ont été rachetés par le groupe Rand pour 240.000 euros et 570.000 euros respectivement.
De la même manière, la marque et les stocks de l’enseigne Burton of London ont été mis en vente en deux lots distincts.
Une vente aux enchères judiciaire doit être organisée par une maison de vente. Une communication sur les lots et les prix de mise en vente doit être effectuée avant la vente.
La vente des actifs Camaïeu a eu lieu aux enchères en plusieurs étapes. La première vente concernait l’essentiel des stocks. La seconde vente au mois de décembre 2022 comprenait des stocks de vêtements retrouvés et un lot constitué du portefeuille de marques, des logos et noms de domaine.
Pour ce lot, 10 acheteurs avaient participé aux enchères.
Avec un prix de départ de 500 000 euros, il avait finalement été acquis par Celio pour 1,8 million d’euros.
Une stratégie long terme
S’il est relativement facile d’acheter une marque, la relancer avec succès est plus complexe. Cela peut prendre du temps, souvent 1 à 2 ans.
Le succès n’est pas garanti, comme l’a montré l’échec de la relance de la marque Jennyfer sous le nom Don’t Call me Jennyfer. Il sera donc intéressant de suivre les relances annoncées.
La marque Camaïeu sera relancée le 29 août 2024 sous le nom Be Camaïeu. La gamme comprendra des articles basiques et essentiels de prêt à porter féminin et sera vendue en ligne et dans certains magasins Celio.
Le groupe Rand a ouvert en juin 2024 son nouveau store concept Moa à Nice et présenté des collections revisitées.
Pour Burton of London, la stratégie pourrait inclure une exploitation directe de la marque ou la concession de licences à des partenaires.