Avec l’accélération de la lutte contre la fraude fiscale et sociale voulue par le gouvernement, la saisie pénale du patrimoine de l’entreprise est de plus en plus courante.
Par Matthieu Hy, avocat au Barreau de Paris, spécialiste en droit pénal et droit des saisies pénales.
Alors qu’elles existaient à peine il y a quinze ans et étaient cantonnées au banditisme, les saisies pénales ont déferlé sur le monde des affaires.
Certaines de ces saisies, en raison de leur caractère massif par leur montant, ou étendu par les biens qu’elles concernent, y compris parfois des outils de production, peuvent mettre en péril l’existence même de la société.
Comment surviennent-elles ?
Les canaux par lesquels un juge des libertés et de la détention, saisi par un procureur, peut ordonner une saisie pénale dite spéciale, sont multiples. Et ce, peu importe que l’entreprise soit suspectée d’une infraction ou considérée comme un tiers dit de mauvaise foi, notion autonome du droit pénal.
D’une part, la transmission au parquet peut être la conséquence de soupçons de fraude fiscale de la part de l’administration fiscale, de travail dissimulé de la part de l’URSSAF, de blanchiment de la part de TRACFIN ou encore de pratiques commerciales trompeuses de la part la DDPP.
D’autre part, l’implication d’une entreprise dans une procédure pénale peut constituer le ricochet de la mise en cause d’un dirigeant, d’un fournisseur, d’un client, d’une filiale ou de la holding.
Quelles formes prennent-elles ?
La saisie pénale constitue une mesure conservatoire destinée à geler un bien afin de laisser la faculté à une juridiction répressive de prononcer la confiscation de ce bien, à savoir le transfert de sa propriété à l’Etat sans la moindre contrepartie.
Concrètement, elle peut affecter les comptes bancaires de l’entreprise, se traduisant par un virement de tout ou partie des sommes au crédit vers un compte de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC).
Elle peut aussi concerner ses biens immobiliers, ce qui interdira leur cession, ainsi que ses biens mobiliers, tels que des véhicules de société, ce qui aboutira le plus souvent à une dépossession matérielle.
Lorsqu’il s’agit de saisies pénales spéciales, leur vocation est nécessairement patrimoniale. Cela signifie qu’elles ne sont pas réalisées à titre probatoire, mais uniquement pour affecter le patrimoine de l’entreprise saisi.
Elles font, alors, l’objet d’ordonnances de saisie ou de maintien de saisies notifiées, le plus souvent, par courrier recommandé.
Comment réagir ?
La réaction à une saisie pénale est nécessairement double.
Du point de vue judiciaire, plusieurs voies de recours sont envisageables pour obtenir la restitution totale ou partielle des biens saisis. Elles doivent être pensées pour s’intégrer à une stratégie de défense plus globale lorsque l’entreprise est mise en cause ou risque de voir sa responsabilité pénale engagée.
Du point de vue économique, diverses actions peuvent être menées pour remédier à la cause profonde de la saisie pénale ou en limiter les effets pour l’avenir. Elles peuvent consister en une restructuration de la société ou du groupe de sociétés, un changement de dirigeants, une prise de contact avec les banques ou certaines administrations.
La réaction doit être d’autant plus réfléchie que le remède ne doit pas être pire que le mal. Les mauvais conseils comme la tentation d’utiliser certaines solutions prétendument miracles peuvent aggraver la situation en entraînant la commission d’infractions pénales ou en contaminant des personnes physiques ou morales jusque-là hors de cause.
Les stratégies mises en place doivent tenir compte de différents enjeux. À court terme, il peut s’agir de maintenir la trésorerie de la société pour garantir le paiement des salaires et la poursuite de l’activité.
Sur le long terme, les enjeux concernent plus le risque de condamnation pénale ou les perspectives de développement de l’entreprise. Ces stratégies doivent aussi, parfois, être articulées avec des procédures fiscales ou administratives ainsi qu’avec la défense pénale de personnes physiques, telles que les dirigeants.


