Affaire des viols de Mazan : des centaines d’internautes coupables du délit de non-assistance à personne en danger ?

L’affaire des viols de Mazan, actuellement jugée par la cour criminelle du Vaucluse, soulève la question du délit de non-assistance à personne en danger.

Cette chronique partenaire est rédigée par Laura Petiot, juriste, chargée d’enseignement à l’université et présidente de LP-Consulting.


L’affaire dite des viols de Mazan, qui se tient jusqu’au 13 décembre devant la cour criminelle du Vaucluse, est historique de par son ampleur.

Elle l’est également par les enjeux juridiques qu’elle soulève : la notion de consentement, la soumission chimique, la diffusion d’images et de vidéos illicites sur Internet…

Une question est totalement absente des débats judiciaires en cours : la non-assistance à personne en danger.

Un site fermé par la justice

Pendant des années, l’accusé, Daniel Pélicot, a posté des annonces sur le site « coco.gg », un site prônant la pédocriminalité et les violences sexuelles – depuis fermé par la justice – pour recruter les futurs présumés violeurs.

Les annonces étaient ainsi notamment publiées dans un salon nommé par le protagoniste « Á son insu », accessible à n’importe quel inscrit sur la plateforme.

Mais alors, qu’ont fait les centaines – peut-être les milliers d’hommes – ayant eu accès aux « offres » criminelles de Monsieur Pélicot pendant plusieurs années ? Rien.

Ils n’ont pas dénoncé, ni appelé à son exclusion du site, ni fait intervenir le « médiateur »de la plateforme.

Ne se sont-ils pas finalement, et de cette façon, rendus coupables du délit de non-assistance à personne en danger ?

 Deux comportements différents

L’article 223-6 du Code pénal énonce : « Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 7500 € d’amende ». 

En réalité, ce délit se saisit de deux comportements différents que sont : 

1- L’absence d’obstacle à une infraction contre l’intégrité corporelle ;

2- La non-assistance à personne en péril, stricto sensu.

Caractériser des éléments moral et matériel

Pour ces deux types de comportements, et s’agissant d’un délit pénal, la réunion de l’élément matériel et de l’élément moral doit être caractérisée.

Si les éléments de la non-assistance à personne en péril pourraient être plus difficiles à réunir (principalement parce qu’il est exigé que le péril soit « immédiat »), ceux de l’absence d’obstacle à une infraction contre l’intégrité corporelle, eux, sont bien présents.

L’existence d’une infraction contre l’intégrité corporelle de la victime n’est pas discutable. 

Ensuite, l’intervention des internautes concernés était possible.  

Si elle ne l’était peut-être pas toujours de manière instantanée, elle l’était au moins, parce qu’ils avaient des motifs sérieux de croire que l’infraction serait commise, voire, répétée.

Utiliser Pharos

À distance, l’un ou plusieurs des internautes auraient pu contacter les autorités, y compris en ligne depuis la plateforme Pharos (Plateforme d’Harmonisation, d’Analyse, de Recoupement et d’Orientation des Signalements) dans l’une de ces catégories : « Mise en danger des personnes » et/ou « Incitation à commettre des infractions ». 

Enfin, les internautes ayant connaissance du péril à cette époque, et davantage ceux qui auraient échangé ensuite sur le chat avec Daniel Pélicot, l’élément moral est caractérisé.

Plus que des dizaines à être présumés coupables des faits qui leur sont reprochés à l’égard de Gisèle Pélicot, ils sont probablement des centaines à avoir fermé les yeux, à s’être tu et abstenu de dénoncer les faits dont ils étaient témoins.

Des centaines qui, protégés derrière leur écran, se sont en réalité probablement rendus coupables du délit de non-assistance à personne en danger.

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