La transparence fiscale est là pour durer !

Une telle affirmation ne peut se fonder uniquement sur la prédiction d’un potentiel gourou, mais sur une conjonction objective d’intérêts.

Cette chronique est proposée par Raphaël Coin, avocat, fondateur du cabinet Affidavit Avocat.

Les organismes non gouvernementaux voient dans la transparence un moyen d’objectiver le débat qu’ils portent et renforcer leur influence.

Les gouvernements ont, quant à eux, un intérêt à évangéliser ce concept. Il permet indirectement d’externaliser une partie du système déclaratif, simplifier les contrôles, voire de les automatiser au moyen de l’intelligence artificielle générative et donc diminuer les coûts.

Cependant, la question ne se limite pas à un accès à l’information, mais à une capacité à analyser cette information autrement qu’avec un angle plus politique que technique. La diffusion de la transparence fiscale pourrait donc aussi être un contournement de leur influence.

Rejoindre un mouvement volontariste

Dans cette cohorte de bénéficiaires apparents, la question de l’intérêt des entreprises est plus complexe.

L’approche simple est de considérer qu’en réalité elles n’ont pas le choix.

Il est vrai que le mouvement en faveur de la diffusion d’’informations auprès des autorités fiscales s’est renforcé et que ce mouvement prône déjà une transparence, sinon contrainte, qui est passée peu à peu d’un aspect parfaitement déclaratif à une approche plus qualitative de l’information publiée.

Mais la question de rejoindre un mouvement volontariste et proactif dans ce domaine se pose.

Ce n’est pas nous qui dirons qu’il ne faut pas rejoindre, alors que nous étions un supporter de la première heure des approches telles que la relation de confiance.

Respecter ses engagements publics

La question n’est plus s’il peut être favorable de rejoindre, mais plutôt de déterminer objectivement les contraintes liées à un telle décision. Longtemps, les plus avancés se contentaient d’indiquer, « nous respectons la législation et payons notre impôt dans les pays où nous avons des activités ».

Cette approche, déjà dépassée par des concepts de « volontary compliance » ou de « enhanced relation », souvent étrangère aux entreprises de taille moyenne et non cotées, implique que les conséquences objectives contrebalançant les avantages évidents ne soient pas ignorées.

Par exemple, il faut être capable de respecter les engagements déclarés publiquement. Non que les entreprises souhaitent dans leur grande majorité enfreindre leurs propres engagements, mais que la compliance notamment comptable, a des seuils de matérialité qui la rendent possible.

Ces seuils sont peut-être beaucoup moins élevés en matière de transparence fiscale et le plus petit écart peut, désormais, se transformer en un tsunami de problèmes. Avec la transparence, vient une obligation de compliance qui dépasse celle dont une activité économique ordinaire peut objectivement nécessiter.

Le seul moyen d’y répondre, est probablement de plonger dans l’ère de la digitalisation pour tenter de mécaniser la compliance. Cela ne doit pas occulter la nécessité d’un jugement humain.

Anticiper les sanctions

La seconde contrainte est d’être capable de communiquer les engagements autrement qu’en terme financiers à court terme. Dépenser la ressource nécessaire oblige à convaincre les managements de l’utilité financière de cette transparence.

L’approche est alors d’une nature comparable à celle développée en matière d’ESG, avec quelques spécificités que les fiscalistes doivent être en mesure d’expliquer.

Enfin, les entreprises doivent anticiper que le non-respect d’une politique de transparence, en dehors des sanctions possiblement médiatiques aggravées, peut favoriser des sanctions fiscales spécifiques.

On peut, en effet, s’interroger sur la nature de bonne foi d’une entreprise qui prônerait certains principes et serait face au non-respect de ces mêmes principes dans le cadre d’un contrôle.

La contractualisation de la société, particulièrement importante dans les pays anglo-saxons, va probablement progresser en conséquence même de l’évolution de la transparence et cette évolution ne sera pas sans conséquence sur les stratégies fiscales.

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