Avec la dissolution de l’Assemblée nationale, une nouvelle occasion a été manquée de définir pour la première fois en droit la notion d’intelligence économique.
Cette chronique partenaire est rédigée par Olivier de Maison Rouge, avocat associé du cabinet Lex Squared, docteur en droit, enseignant à l’Ecole de guerre économique (EGE), directeur du MBA Management Stratégique et Intelligence Juridique et auteur de « Gagner la guerre économique », VA Editions (mars 2022).
Les influences étrangères sont désormais légion en raison d’un contexte géopolitique prégnant, où la France, notamment, est devenue une cible en matière de guerre informationnelle.
C’est pourquoi, une commission parlementaire avait été constituée pour documenter ces atteintes à la souveraineté nationale.
Les débats ont été vifs, et tout consensus semblait s’éloigner.
In fine, une proposition de loi (PPL) a été adoptée à l’issue d’une procédure accélérée, suite à un accord trouvé en commission mixte paritaire (CMP).
Elle renforçait en conséquence le dispositif d’une création libre et indépendante de la loi.
Surtout, ce texte législatif faisait rentrer le vocable d’intelligence économique dans le Code monétaire et financier, comme s’en est félicité le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne.
Un contrôle accru des représentants d’intérêts
Cet épisode parlementaire avait été précédé par le rapport annuel pour 2022 de la Délégation parlementaire au renseignement (DPR).
Cette dernière avait précisément consacré son étude aux ingérences étrangères, concluant que « le retour de la guerre sur notre continent a permis une prise de conscience collective sur la nécessité de protéger notre souveraineté, dans toutes ses dimensions. »
Le législateur a donc voulu limiter davantage les « infiltrations » dans le processus législatif et entraver les interactions étrangères auprès des parlementaires.
Ce faisant, le texte renforçait le pouvoir de contrôle sur les représentants d’intérêts (autre nom châtié du « lobbying ») dont le régime est issu de la loi du 9 décembre 2016, dite « Sapin 2 ».
Le projet d’article 18-12-1 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, faisait entrer dans ce périmètre, ceux qui agissent « sous la direction ou le contrôle d’un mandant étranger » (hors UE).
Il les obligeait à se déclarer sous cette qualité dès lors qu’ils œuvrent auprès d’un membre du gouvernement ou d’un cabinet ministériel, d’un parlementaire ou son collaborateur, d’un ancien membre du pouvoir exécutif ou législatif, d’un membre d’une autorité administrative indépendante, etc.
En résumé, il s’agit de mettre à jour toute forme de « corruption intellectuelle ». Ces lobbyistes doivent ainsi s’enregistrer auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Les sanctions pénales (article 411-12 et suivants du Code pénal s’agissant de la répression des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et crimes contre l’Etat) et pouvoirs de contrôles s’en trouvaient également accrus.
Une politique renforcée de contrôle
Au titre des autres mesures introduites par la loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France, son article 2 bis fait entrer le terme « intelligence économique » dans le Code monétaire et financier.
C’est donc par une porte étroite que ce vocable intègre le droit positif français.
À cet égard, il faut rappeler que l’ancienne sénatrice Marie-Noëlle Lienemman et le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne (RDPI) ont été à l’origine d’une proposition de loi (PPL) portant création d’un programme national d’intelligence économique.
Ce texte a été enregistré le 25 mars 2021 à la Présidence du Sénat en ces termes :« ce que nous considérons comme intelligence juridique [est] une veille juridique sur le droit positif et surtout une veille sur les futures évolutions anticipables, le suivi de signaux faibles en matière juridique pour qu’à la fois les pouvoirs publics et les acteurs économiques puissent davantage participer à l’élaboration de ces mêmes normes et pas seulement les appliquer. Cela est en soi une dimension importante de la guerre économique. »
Poursuivant son cheval de bataille, le sénateur a donc convaincu ses collègues d’intégrer ce concept dans le cadre règlementaire régissant le contrôle des investissements étrangers en France (IEF), régime de contrôle de prises de participations étrangères dans les entreprises stratégiques françaises.
Ainsi, selon ce projet d’article L. 151-7 du Code monétaire et financier (CMF), le gouvernement doit communiquer, chaque année, un rapport portant sur l’action en matière de protection et de promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la Nation, « notamment des mesures prises en matière de sécurité et d’intelligence économiques ».