Achats et droits humains : quels enjeux pour les entreprises ?

Face aux consommateurs et obligations réglementaires, les entreprises n’ont plus d’autres choix que connaître parfaitement leurs chaînes d’approvisionnement.

Cette chronique partenaire est proposée par Charlotte Michon, avocate et fondatrice du cabinet Michon Avocats. 

Conditions de travail des confections dans le textile, travail des enfants dans les champs ou encore travail forcé dans le secteur extractif, les chaînes d’approvisionnement de nos grandes entreprises sont souvent dénoncées comme lieu de violations des droits humains.

Les entreprises font de plus en plus face au regard de leurs consommateurs, de leurs clients et de la société en générale sur la manière dont elles s’approvisionnent. Et à ces exigences sociétales, s’ajoutent aussi aujourd’hui de plus en plus d’obligations règlementaires.

Il est attendu que les entreprises exercent leur devoir de vigilance, en tant que donneuses d’ordres, c’est-à-dire qu’elles identifient les risques liés aux pratiques de leurs fournisseurs. À elles aussi de justifier que leurs produits et services ne soient pas associés à des violations des droits humains.

Un mouvement réglementaire mondial

Ce concept, nous le retrouvons notamment dans la loi française sur le devoir de vigilance, dans les lois équivalentes allemande ou norvégienne et dans la future directive européenne sur le devoir de vigilance européen.

Mais aussi dans des récentes règlementations européennes liées à l’importation de produits qui visent à éviter la circulation sur le territoire de l’Union européenne de produits « controversés ».

Il en va ainsi du règlement sur les minerais de conflits de 2021, de celui de juin dernier sur les produits issus de la déforestation ou encore de celui annoncé en septembre 2022 sur les produits issus du travail forcé.

Le dernier règlement sur les batteries, publié en aout dernier, qui vise à fixer des règles de durabilité et d’affichage de ces produits, prévoit lui aussi une obligation de vigilance dédiée sur l’approvisionnement pour les importateurs.

Tous ces textes demandent donc à l’entreprise d’exercer une diligence raisonnée sur l’approvisionnement des produits en question en connaissant, traçant l’origine de toutes les matières premières, en s’assurant des pratiques de l’ensemble des relations commerciales et en étant prêtes à rendre compte de ses actions aux autorités et à ses clients.

User de son influence auprès de ses prestataires

La tâche est immense pour les grandes entreprises, tant les chaînes d’approvisionnement aujourd’hui sont mondiales et complexes.

Elles doivent formaliser des méthodologies de priorisation des risques et peuvent pour se faire s’appuyer sur les travaux des organisations internationales (guides sectoriels de l’OCDE, rapports de l’OIT) et des ONGs ou des syndicats.

Elles doivent « cascader » leurs propres engagements droits humains, les contractualiser auprès de leurs relations commerciales et mettre en place les audits ou autres contrôles pour s’assurer qu’ils sont respectés.

Elles doivent identifier et tracer l’ensemble des acteurs de leur chaîne d’approvisionnement et user de leur influence, de manière individuelle ou collective pour s’assurer que les exigences s’appliquent à tous et ne s’arrêtent pas à leurs fournisseurs directs.

L’avancée du devoir de vigilance français

Les pratiques des entreprises françaises avancent notamment depuis l’entrée en vigueur de la loi française sur le devoir de vigilance.

Elles ont effectué des cartographies des risques de leurs catégories d’achats et de leurs fournisseurs, systématisé les codes de conduite et les clauses contractuelles et ont développé des programmes d’évaluations et d’audits.

Les plus avancées s’engagent avec leurs pairs dans des initiatives sectorielles pour renforcer leur influence collective et mutualiser des audits (par exemple les initiatives ICS ou RBA).

Et dans certains secteurs, des outils de transparence se sont développés pour permettre cette traçabilité des chaînes d’approvisionnement comme le projet sustainability map.

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