Devoir de vigilance : avec qui faut-il dialoguer ?


Le dialogue avec les parties prenantes est-elle pour les entreprises une condition d’effectivité de leurs démarches de vigilance en matière de droits humains ?

Cette chronique partenaire est proposée par Charlotte Michon, avocate et fondatrice du cabinet Michon Avocats. 

Ce dialogue est mentionné dans le texte de la loi française qui précise que « le plan a vocation à être élaboré en association avec les parties prenantes de la société […] ». Elle  prévoit aussi le mécanisme de la mise en demeure de l’entreprise avant la possibilité d’une action en injonction devant les juges.

Dans la première décision sur le fondement du devoir de vigilance, rendue le 28 février, les juges ont d’ailleurs considéré que « le législateur [avait] expressément manifesté son intention de voir ce plan de vigilance élaboré dans le cadre d’une co-construction et d’un dialogue entre les parties prenantes de l’entreprise et l’entreprise », et ce dans un objectif d’assurer au mieux l’effectivité du respect de la règlementation mais aussi l’efficacité du plan de vigilance.

Les plus récentes décisions ont aussi confirmé cette idée qu’un dialogue doit pouvoir être engagé entre les ONGs et les entreprises via notamment les mises en demeure adressées aux entreprises.

Une ordonnance du juge de la mise en état du 6 juillet dernier précise d’ailleurs que ces dernières doivent porter sur les plans de vigilance les plus récents et être suffisamment précises pour permettre des discussions préalables à l’assignation.

Les parties prenantes à associer

La loi française ne précise pas quelles parties prenantes associer. Selon les recommandations des textes internationaux de soft law, il doit s’agir en premier lieu des « parties prenantes potentiellement affectées », qui sont les détenteurs des droits que l’on cherche à protéger.

Schématiquement, ce sont les employés, ou leurs représentants, de l’entreprise elle-même et sur l’ensemble de sa chaine de valeur, les communautés locales autour des sites, les usagers, les clients etc.

Notons que les futures normes de reporting sur la durabilité, sur les enjeux sociaux, proposent de reprendre cette approche par parties prenantes potentiellement affectées, en proposant quatre normes différenciées sur les volets sociaux et droits humains.

Les retours d’expérience des entreprises montrent que les pratiques les plus avancées de dialogue avec les parties prenantes sont relatives à l’association avec les organisations syndicales, même si cette association reste loin d’être généralisée.

En pratique, les démarches de vigilance peuvent être présentées régulièrement aux comités d’entreprise existants, et notamment les comités européens ou mondiaux quand ils existent.

Un droit de regard sur l’entreprise

Des approches plus formalisées et systématisées de dialogue sont développées au travers des accords-cadres internationaux, accords négociés avec les fédérations syndicales internationales.

Le devoir de vigilance est explicitement mentionné dans les plus récents ce qui permet aux organisations syndicales un droit de regard et de suivi sur les actions et les progrès de l’entreprise.

Plus que des outils de dialogue social, ces accords-cadres deviennent alors des outils d’effectivité des démarches de vigilance.

Notons pour finir que cette question de l’association des parties prenantes est un des enjeux autour de la future directive européenne sur le devoir de vigilance, le Parlement européen ayant largement renforcé dans son projet les exigences d’association des parties prenantes potentiellement impactées.

Les négociations en trilogue sont aujourd’hui en cours, pour un texte définitif attendu pour la fin de l’année.

À lire aussi : Droits humains et géopolitique, quels risques pour les entreprises ? 

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