Innovation, gare aux chasseurs de brevets !

Préserver la capacité d’innovation des entreprises nécessite de lutter contre les chasseurs de brevets.

Cette chronique partenaire est proposée par Patrick Oliver, executive director de l’alliance Intellectual Property 2 Innovate.

Principe fondamental, prévu par la législation européenne, le principe de proportionnalité implique que les décisions rendues par les tribunaux tiennent compte des faits spécifiques de chaque contentieux et ne conduisent pas automatiquement, comme c’est le cas aujourd’hui en Europe, à un retrait systématique des produits du marché.  

Si la loi française de lutte contre la contrefaçon a transposé, en 2007, la directive européenne relative au respect des droits de propriété intellectuelle dite « IPRED », la notion de proportionnalité prévue par cette dernière n’a pas été explicitement intégrée en droit français.

Or, cette omission du législateur permet aux chasseurs de brevets ou  « Patent Assertion Entities » (PAE) de proliférer.

Des coûts excessifs

Les PAE ne développent pas leurs propres produits ou services, mais font de l’acquisition de vastes collections de brevets leur activité principale.

En possession de brevets qu’ils n’exploitent pas, ces chasseurs réclament aux entreprises des règlements qui ne sont pas fondés sur la valeur réelle du brevet.

Ils brandissent ainsi la menace de poursuites en justice, dont l’issue est connue d’avance. Une injonction permanente sera prononcée automatiquement, du fait d’un défaut d’application de la proportionnalité.

Face au chantage et la menace d’un retrait pur et immédiat des produits du marché, les entreprises innovantes préfèrent céder aux PAEs avant que le sujet ne soit porté devant une cour, conduisant à des résolutions opaques. Ces prédateurs parviennent ainsi à arracher des règlements excessifs aux entreprises.

L’absence manifeste en France, dans la pratique, de prise en compte de la proportionnalité, en dépit de la directive IPRED, a donc des conséquences hautement préjudiciables pour les entreprises françaises, en les dissuadant notamment d‘investir dans la R&D et la commercialisation de nouveaux produits.

Pour préserver leur capacité d’innovation, il est temps que le droit français garantisse que les réparations pour violation de brevet soient effectivement proportionnées. Cette faille doit être comblée une fois pour toutes.

Une question de souveraineté

Une action en France pour assurer l’application effective de la proportionnalité contribuera aussi à promouvoir la même approche équilibrée de la part de la juridiction unifiée des brevets (JUB), qui applique à la fois le droit européen et le droit des États membres lorsqu’il s’agit de trancher un litige.

Et la capacité de la JUB à émettre des injonctions à l’échelle européenne peut donner aux chasseurs de brevets une arme encore plus puissante et amplifier les conséquences de leurs actions contre les entreprises innovantes.

La France a d’autant plus un rôle à jouer dans la mesure où elle accueille le siège de la division centrale du tribunal de première instance de la JUB qui traite des enjeux IT et des produits complexes, pour lesquels l’application de la proportionnalité est essentielle du fait de centaines de milliers de brevets impliqués.

L’application de la proportionnalité dans les procédures contentieuses en matière de brevet est indispensable si l’on veut pallier les détournements du droit par les PAEs, à l’heure où la souveraineté technologique et industrielle de la France et de l’UE est plus que jamais cruciale.

Il en va ainsi de la protection et la croissance des entreprises françaises et européennes, mais également de la crédibilité et du succès de cette nouvelle juridiction !

Si les entreprises françaises se modernisent, le droit français des brevets doit lui aussi se moderniser.

À lire aussi : Comment bien protéger son invention ?

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