Le futur devoir de vigilance européen prend forme


Les discussions sur le devoir de vigilance européen suivent leur cours après le vote de la future directive par le Parlement européen.

Cette chronique partenaire est proposée par Charlotte Michon, avocate et fondatrice du cabinet Michon Avocats. 

Le 1er juin dernier, le Parlement européen a voté son projet pour une future directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises. Dès lors les négociations en trilogue peuvent commencer entre le Parlement, la Commission et le Conseil.

Rappelons-le, le devoir de vigilance est une nouvelle obligation juridique qui demande aux entreprises d’identifier et de prévenir les impacts droits humains et environnementaux négatifs de leurs activités et de celles de leurs partenaires commerciaux.

Les grandes entreprises françaises y sont soumises depuis 2017 avec la loi sur le devoir de vigilance des entreprises sociétés-mères et donneuses d’ordres.

Les sociétés allemandes, norvégiennes, suisses aussi depuis peu et demain donc avec la future directive, les entreprises européennes multinationales, ETI, voire PME pour certains secteurs ainsi que les entreprises tierces qui ont des activités sur le territoire de l’Union Européenne.

Alors quels sont les grands enjeux de négociations autour de ce texte ?

Un périmètre élargi

Il est admis que les enjeux de vigilance couvriront l’ensemble des enjeux droits humains internationaux et environnementaux.

La stratégie climatique est à ce jour exclue du devoir de vigilance global, mais la future directive demandera aux entreprises de rédiger un « plan de transition climatique » en accord avec les exigences de l’Accord de Paris.

 Le rôle des administrateurs et la possibilité de lier leur rémunération variable à ces obligations restent à ce jour un point de discussion.

La démarche de vigilance impose d’identifier et de prévenir les risques liés aux pratiques de ses activités, mais aussi de ses filiales directes et indirectes et certaines de ses relations commerciales.

Aujourd’hui, cette démarche concerne les relations commerciales établies. Si elle est adoptée en l’état, la directive l’imposera aux relations commerciales directes et indirectes sur l’ensemble des chaînes d’approvisionnement et sur une partie de l’aval liée notamment à la distribution et l’élimination des produits.

Le périmètre du devoir de vigilance s’élargit donc et demandera aux entreprises des mesures de traçabilité et de suivi de leurs relations commerciales beaucoup plus importantes.

Une nouvelle autorité de contrôle

Concernant le contrôle de l’obligation de vigilance, la nouveauté du texte européen sera incontestablement la mise en place d’autorités de supervision chargées de vérifier les démarches mises en place dans les entreprises, mener des enquêtes, ordonner des mesures pour remédier ou faire cesser l’atteinte, et sanctionner en cas de non-respect de l’obligation de vigilance.

Ce nouvel acteur demandera aux entreprises des efforts de systématisation, de documentation et d’opposabilité quant à leurs démarches de prévention mises en place.

À côté de ce contrôle préventif, coexistera, à l’instar de la loi française, un régime de responsabilité civile, devant le juge, dans le cas de dommages causés par un manquement au devoir de vigilance.

Nous ne savons pas encore si ce manquement sera conditionné à l’existence d’une faute intentionnelle ou de négligence.

Faciliter l’accès à la justice

Cette question de l’accès aux victimes à la réparation est un des fondements du devoir de vigilance.

Et si le dernier texte du Parlement a ajouté un certain nombre de dispositions pour faciliter l’accès à la justice des plaignants, le cap d’un renversement de la charge de la preuve au profit des victimes demandé par la société civile n’a pas été franchi.  

Le texte final est maintenant attendu d’ici la fin de l’année pour une application dans les États membres à partir de 2026.

Au regard de l’élargissement du périmètre de vigilance et de ces nouveaux acteurs de supervision, les entreprises françaises ont tout intérêt à s’y préparer dès maintenant.

À écouter : Six ans après sa création, quel bilan pour le devoir de vigilance ?

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