Renouvellement du bail commercial, attention aux conditions de l’offre !

Offrir de renouveler un bail commercial à des conditions différentes équivaut à un refus de renouvellement et ouvre le droit à une indemnité d’éviction, selon la Cour de cassation.

Cette chronique partenaire est proposée par Julie Janvier, avocat, associée au cabinet Redlink.

C’est une décision de justice à suivre de près, qui aura des conséquences pour les bailleurs de locaux commerciaux et leurs locataires.

Dans un arrêt rendu le 11 janvier 2024, la Cour de cassation a décidé qu’un : « un congé avec une offre de renouvellement du bail à des clauses et conditions différentes du bail expiré, hors le prix, doit s’analyser comme un congé avec refus de renouvellement ouvrant droit à indemnité d’éviction ».

Dans cette affaire, le bailleur d’un restaurant avait proposé le renouvellement du bail après 17 ans d’occupation, mais sous certaines conditions.

La consistance des locaux changeait et les obligations du preneur au titre de l’entretien du bien étaient modifiées.

Pour autant, la cour d’appel de Bordeaux avait considéré que le bailleur ne pouvait être condamné à payer une indemnité d’éviction au preneur, puisque le renouvellement avait bien été offert. 

La Cour de cassation, en censurant cet arrêt d’appel, est venue rappeler que le renouvellement du bail n’est pas l’occasion d’en renégocier ses conditions.

La fin d’un bras de fer

Cet arrêt trouvera écho chez les preneurs qui y verront une solution aux discussions, parfois houleuses, avec les bailleurs, qui au terme du bail, confondent « renouvellement » et « nouveau bail ».  

Le renouvellement doit se faire aux charges et conditions du bail expiré, sauf pour le loyer, la durée et les nouvelles dispositions d’ordre public qui sont traités différemment.  

Les bailleurs prendront garde à ne pas confondre le terme du bail et son renouvellement avec la possibilité de modifier les conditions locatives.

Cependant, cette situation peut aussi être source d’insécurité pour les preneurs qui souhaitent continuer à exploiter les lieux.

La vigilance reste de mise

Dans le cas d’espèce, le preneur avait quitté les locaux à la suite du congé et assigné, après son départ, le bailleur en paiement d’une indemnité d’éviction.

La solution aurait pu être différente si le preneur s’était maintenu dans les locaux.

À réception d’un congé avec « offre de renouvellement », mais à des conditions différentes du bail expiré, les preneurs devront être vigilants.

Si leur souhait est de continuer une exploitation pérenne et que les nouvelles conditions offertes ne les satisfont pas, ils ne pourront, sans risque, se contenter d’accepter le principe du renouvellement et attendre la prescription de deux ans du délai d’action pour considérer le bail parfaitement renouvelé et aux mêmes conditions que le bail expiré (exception faite du loyer de renouvellement qui peut faire l’objet d’une modification selon les principes du Code de commerce).

Une telle situation pourrait-elle conduire les bailleurs à arguer que le preneur a accepté l’offre dans sa globalité, ou à défaut que son offre doit être requalifiée en congé avec refus et paiement d’une indemnité d’éviction ?

L’indemnité d’éviction en question

La cour d’appel avait jugé nul le congé et constaté que le départ volontaire du preneur sans contestation avant la fin du bail faisait échec à sa demande en paiement d’une indemnité d’éviction « qui implique par nature que le bailleur soit à l’origine du non-renouvellement du bail ».

De son côté, la Cour de cassation a requalifié le congé « avec offre » en un congé « avec refus » de renouvellement, qui à défaut de motif grave et légitime, ouvre droit à indemnité d’éviction au profit du preneur.  

Cette requalification ferait échec à une action en nullité du congé « avec offre » à des conditions différentes et donc à la possibilité pour le preneur de solliciter en retour le renouvellement du bail.

En effet, le preneur ne peut solliciter le renouvellement du bail qu’à défaut de congé délivré par le bailleur.

L’article à retenir :  L.14510 du Code de commerce  « À défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précèdent l’expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa prolongation. »)

Si cet arrêt appelle les bailleurs à la prudence, il n’aura pas échappé que les preneurs également devront être attentifs au risque de perdre leur bail et de ne pouvoir en solliciter le renouvellement.

Le paiement d’une indemnité d’éviction n’est pas toujours le but recherché par les exploitants.

À lire aussi : Baux commerciaux, une justice attentive aux contentieux

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