Santé mentale : quelles obligations pour les DRH ?

Les directeurs des ressources humaines manquent de moyens pour veiller à la bonne santé mentale des salariés. Ils y sont pourtant obligés.

Risque psychosocial à prendre en compte, la santé mentale des salariés désarçonne encore les directeurs des ressources humaines.

Pourtant, elle est la première cause d’arrêt de travail longue durée. « La santé du collaborateur est un élément central de l’attractivité et de la productivité de l’entreprise. Les salariés passent environ deux jours par an au travail pour des recherches liées à la santé », rappelle Georges Aoun, fondateur de Concilio, une conciergerie médicale dédiée aux entreprises.

Une obligation légale

Les conséquences d’une détérioration de la santé mentale au travail sont multiples et souvent irrémédiables : baisse d’engagement, absentéisme, burn out, bore out, démission, etc. « Les salariés en bonne santé mentale apportent à l’entreprise, ils sont plus productifs », confirme Jean Kramarz, responsable business développement d’Ifeel.

En plus d’être un sujet moral et financier, il est aussi juridique. L’employeur est tenu de prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs », indique l’article L.4121-1 du Code du travail.

Il relève de sa responsabilité de préserver la santé de ses salariés. L’entreprise peut, ainsi, être tenue d’assumer devant les tribunaux les conséquences d’une santé mentale dégradée conduisant, dans les cas les plus extrêmes, au suicide.

Peu considérée jusqu’au Covid, la santé mentale est aujourd’hui un peu moins taboue. « Nous sommes passés d’une approche assez défensive de la question liée à une responsabilité légale à une approche plus positive », reconnaît Jean Kramarz.

Les confinements et couvre-feux successifs ont mis en évidence la gradation de la santé mentale et l’entreprise ne peut plus l’ignorer.

Interrogés par Harris Interactive en 2020, 83% des représentants du personnel affirmaient que c’est le rôle de l’organisation d’accompagner les salariés dans leur problème de santé. Une position partagée par 70% des DRH consultés.

Une prévention encore timide

Cependant, la protection de la santé mentale fait l’objet d’un consensus plus fragile : 77% des dirigeants sondés affirment avoir mis en place des politiques dans ce domaine contre 69% des salariés, d’après Harris Interactive. « Nous faisons tous de la politique de prévention des signaux faibles », indique Laurence Breton-Kueny, vice-présidente de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH).

Cette prévention consiste à créer un climat de propice à l’évocation des enjeux de santé mentale. La communication doit être la plus décomplexée possible, loin des stéréotypes.

Aux DRH aussi d’agir sur les conditions de travail de salariés en souffrance en facilitant le télétravail, la prise de congés, l’aménagement de poste.

La première étape est de sensibiliser les managers à ces questions. « Les managers n’ont jamais été formés à préempter les risques de santé mentale de leurs collaborateurs », regrette Georges Aoun. Néanmoins, certains d’entre eux suivent une formation de premier secours en santé mentale. Durant deux jours, ils apprennent notamment à déceler les premiers signes d’une crise psychique et à réagir au mieux.

Un manque de budget criant

Des solutions peuvent aussi être trouvées chez des prestataires externes. Ifeel, par exemple, fournit une application destinée aux salariés. Le premier niveau consiste à donner des conseils pour se relaxer et apprendre à gérer la sollicitation numérique. Le salarié le désirant peut aussi être mis en relation avec un psychologue. « Aucun lien n’est fait avec l’entreprise, nous assurons une solide confidentialité médicale », assure Jean Kramarz.

Ce type de scénario est envisageable lorsqu’un budget – souvent celui dédié à la lutte contre le tabac – est alloué. « Si vous le prenez dans sa totalité, le budget santé de l’entreprise – hors cotisations obligatoires comme la mutuelle – est souvent minime. Ce sont des opérations ponctuelles, mais l’impact à court terme n’est pas calculé », dénonce Georges Aoun.

Les directeurs des ressources humaines font aussi face à la pénurie de médecins du travail, leurs principaux interlocuteurs. Pour 75% de ces professionnels interrogés par l’ANDRH, dans son étude annuelle publiée le 21 septembre, c’est une priorité afin de prendre pleinement en compte la santé mentale des salariés.

À lire aussi : Justice, les chiffres inquiétants du harcèlement moral au travail

Articles sur le même thème

Retour en haut

Vous n’avez pas le temps de suivre toutes les infos de la semaine ? Chaque jeudi, nous vous partageons notre newsletter, pour tout comprendre de l’actualité grâce au droit.