Devoir de vigilance : « Il est nécessaire d’avoir des investigations précises et pragmatiques »

Les procès climatiques au nom du devoir de vigilance vont bien pouvoir avoir lieu. Ainsi en a décidé la cour d’appel de Paris, le 18 juin dernier.

Pour la première fois, le 18 juin, la cour d’appel de Paris a ouvert la voie à un procès climatique contre TotalEnergies au nom du devoir de vigilance.

Cyril Naudin, head of investigations & compliance du cabinet FTI Consulting, en décrypte les conséquences pour toutes les entreprises.

Lex Daily News : Quelles leçons les entreprises peuvent-elles tirer des trois arrêts rendus par la cour d’appel de Paris ?

Cyril Naudin : Avec ces arrêts, deux des trois entreprises visées vont devoir faire face à des vraies procédures.

Elles vont devoir travailler sur des éléments factuels très précis et entrer dans le détail des situations. Que ce soit l’installation d’un parc éolien ou autre, il s’agit de refaire l’histoire de manière chronologique, détaillée et factuelle de l’ensemble des projets menés.

La cour d’appel démontre que les entreprises doivent se préparer aux procédures judiciaires et qu’il est nécessaire d’avoir des phases d’investigations précises et pragmatiques.

LDN : Comment se déroulent les enquêtes sur le devoir de vigilance ?

Cyril Naudin : Il existe plusieurs phases. D’abord, il faut une prise de connaissance très détaillée afin de pouvoir établir là où se trouvent les données et informations pertinentes. Il s’agit de comprendre les parties prenantes, qui fait quoi sur plusieurs années. Toute une phase d’identification est à réaliser.

Il faut, ensuite, réfléchir à la manière d’organiser la donnée. Cela nécessite de réaliser une base de données fiable afin de conduire une analyse plus poussée par mots clés.

Ces entreprises devront aussi mener des analyses technologiques pour analyser toutes les données disponibles sur les faits qui leur sont reprochés.

Une fois la donnée identifiée ainsi que les personnes concernées, il est nécessaire de mesurer quelle information a existé à l’instant T : est-ce que c’était un échange de mails, des courriers papiers, etc.

LDN : Quels sont les bons réflexes à avoir pour mener ces enquêtes correctement ?

Cyril Naudin : S’agissant de l’enquête, celle-ci doit être factuelle et objective.

Pour le rapport, le lien doit être effectué avec les travaux conduits dans le cadre du devoir de vigilance et notamment la cartographie des risques. Les entreprises doivent dresser une cartographie des zones de risques potentiels.

La conduite d’identification des risques et la cartographie se réalisent grâce à des entretiens.

Et contrairement à la lutte anti-corruption, dans le cadre du devoir de vigilance, l’entreprise doit privilégier des entretiens extérieurs avec des tiers.

LDN : Est-ce que cela signifie de dialoguer plus amplement avec les collectivités, associations et ONG ?

Cyril Naudin : Dans beaucoup de situations, c’est le tiers avec lequel l’entreprise a une relation d’affaires qui peut avoir une faille ou un risque à venir.

Il faut intégrer et maîtriser ces risques avant même de dialoguer avec des associations, ONG ou collectivités territoriales.

LDN : Les trois entreprises visées par la cour d’appel de Paris sont de multinationales : EDF, TotalEnergies et Vigie group. Les sociétés de taille plus modeste ne seraient donc pas concernées ?

Cyril Naudin : Indirectement, elles le sont. D’ailleurs, les entreprises plus petites formalisent de plus en plus leurs propres risques.

Cela a un coût, mais assure la création de valeur et de business. Des approches pragmatiques existent afin d’éviter que cette formalisation se transforme en usine à gaz.

Il est recommandé de se faire aider, de disposer d’une personne dédiée à ces questions en interne, de sensibiliser l’instance dirigeante.

Ainsi, l’entreprise pourra décliner si besoin un plan d’action face aux risques identifiés.

LDN : Ce plan d’action est-il important lorsqu’on négocie une convention judiciaire d’intérêt public ?

Cyril Naudin : La conduite et le déroulé de ce plan d’action est clé.

Il faut arriver à créer un environnement de confiance en étant le plus transparent possible sur la méthodologie utilisée et les analyses réalisées.

PODCAST : Six ans après sa création, quel bilan pour le devoir de vigilance ?

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