Claire de Saint Blanquat, vice-président legal & corporate d’Innate Pharma, témoigne de la mise en œuvre de la directive européenne CSRD dans sa biotech.
La directive européenne « corporate sustainability reporting » (CSRD) impose aux entreprises de communiquer sur ses actions de gouvernance en matières sociale et environnementale.
Elle exige la publication d’un rapport de durabilité dès le 1er janvier 2025, pour les plus grandes organisations et un peu plus tard pour toutes les autres.
Lex Daily News : Comment s’organise votre entreprise pour mettre en œuvre la directive CSRD ?
Claire de Saint Blanquat : En tant qu’entreprise cotée, nous avons, dans un premier temps, mis en place un comité RSE (responsabilité sociétale et environnementale) au sein de notre conseil de surveillance, conformément aux recommandations du Code de gouvernance Middlenext.
Nous avons, également, mis en place une équipe opérationnelle dédiée au sein d’Innate, en charge de la RSE.
Cette équipe est composée de personnes dont les fonctions et activités sont directement concernées par des enjeux RSE : les ressources humaines, les achats, la recherche, la communication/relation investisseurs et bien sûr le juridique pour suivre, notamment, les évolutions réglementaires.
Ils se réunissent régulièrement et présentent au comité RSE, pour le moment une à deux fois par an, les sujets sur lesquels ils travaillent.
Il s’agit, d’abord, de l’état des lieux de toutes les actions déjà existantes en matière de RSE au sein d’Innate. Ensuite, le résultat du mini bilan carbone et la feuille de route seront établis.
Lex Daily News : Votre entreprise a-t-elle déjà une politique RSE ?
Claire de Saint Blanquat : Notre objet social est la recherche de médicaments en oncologie. Nous sommes par essence fortement sensibles et impliqués dans les enjeux sociétaux.
L’objectif aujourd’hui est de formaliser nos pratiques afin de préparer un reporting conforme aux attentes de la CSRD.
À titre d’exemple, nous sommes implantés au cœur du Parc national des Calanques à Marseille et la protection de l’environnement fait partie de notre ADN depuis de nombreuses années.
De nombreuses actions sont déjà en place pour sensibiliser les salariés et réduire notre impact sur notre environnement. Il faut désormais définir les indicateurs clés qui mesureront concrètement l’impact de notre approche.
LDN : Avez-vous mis en place un rétro planning des différentes étapes à suivre ?
Claire de Saint Blanquat : Oui, selon la date de publication de notre rapport de durabilité, qui dépendra de l’appréciation de notre statut de PME, qui s’apprécie sur deux exercices.
Notre reporting de durabilité est, pour l’instant, prévu pour 2026, et concernera l’exercice 2025. Il nous faudra donc être capables de mesurer nos impacts dès 2024.
La première étape était de faire un état des lieux de ce que nous faisons déjà, surtout en matière sociale où Innate a toujours été très active.
Cette année, nous avons prévu de réaliser une étude de double matérialité, première étape essentielle pour répondre aux exigences de la directive.
Elle permet de mesurer l’impact d’Innate sur l’environnement et l’impact de l’environnement sur nos activités.
LDN : Vos investisseurs ont-ils un rôle à jouer ?
Claire de Saint Blanquat : Nos investisseurs sont déjà très attentifs à ces sujets et nous posent régulièrement des questions sur notre politique RSE, par exemple en matière de diversité.
Ils sont aussi considérés comme des « parties prenantes » qui seront interrogées dans le cadre de notre étude de double matérialité.
LDN : Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?
Claire de Saint Blanquat : C’est un gros travail administratif.
Nous sommes une biotech, nous n’avons pas les moyens de recruter des personnes totalement dédiées à ces sujets, qui ne font pas partie de notre cœur de métier.
La mise en œuvre de la CSRD demande des ressources humaines et financières, non négligeables pour une petite entreprise comme la nôtre.
Il faut donc trouver le juste équilibre entre la contrainte réglementaire et nos activités.
En pratique, la directive exige la mise en place d’indicateurs de mesure basés sur des critères objectifs, ce qui n’est pas toujours évident lorsque vous travaillez dans un secteur comme le nôtre qui a peu d’impact « concret ».
Au niveau de notre gouvernance, nous n’avons qu’un membre – la présidente – du comité RSE formé à ces questions.
La CSRD va faire naître toute une série de nouveaux métiers pour répondre aux besoins d’expertise dans ces sujets.